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Je me demande comment j’ai réussi à tenir tout ce temps à l’hôpital et ensuite dans la rue. Les médocs, la toilette assistée, les soins, les médocs, la promenade en pyjama, les infirmières saturées d’empathie, les médocs, les sorties au zoo, à la piscine, au cinéma, au zoo, à la piscine, les médocs qu’on fait semblant de prendre, la bagarre, les piqures, il n’aime pas les piqures Régis, la perte de connaissance, les médocs, l’état végétatif, les médocs, la crise de démence, les médocs, les médocs, les médocs, les médocs. Et quand j’ai réussi à finir le stock de smarties, le directeur a enfin compris qu’aucun médecin ne peut quoi que ce soit pour ce que j’ai dans la tête. Parce que c’est vide et que tout ce que je veux, c’est sortir de l’hôpital et reprendre ma vie imbécile mais ma vie quand même.

Quand ils ont refermé la porte derrière moi – c’est pas Cabrel, ça ? – j’étais dans une rue moche avec des cons qui changeaient de trottoir et un sérieux mal de crâne et un sac plastique contenant mes effets personnels et un sandwich au pâté sans cornichon. Ils m’avaient rendu mes vêtements, ôté les taches de sang mais pas recousu les trous. Dans mon pantalon, la clef de la Renault 5 : au moins une bonne nouvelle pour recommencer à vivre. Sur le parking à côté de l’hôpital, j’ai retrouvé mon bolide, un carreau arrière brisé et la boîte à gants sens dessus dessous. Le courageux voleur n’avait pas trouvé la planque à bière sous la banquette arrière. C’était mon jour de veine.

J’ai siphonné le réservoir d’une Peugeot avec le kit de tuyaux-entonnoir dans le coffre (encore un truc que les voleurs ne prennent pas) et j’étais paré pour ma prochaine destination. Emelyne s’est assise à la place du mort, normal et j’étais béni des dieux qu’elle ne m’ait pas lâché tout ce temps que j’avais passé à comater devant ma purée de brocolis ou à pioncer dans la chambre capitonnée. J’ai démarré et orienté dans sa direction les ventilateurs sur la position froid-5. Elle ne supportait plus que le froid, quand elle ne me rendait pas visite, elle traînait dans le sous-sol de l’hôpital et elle me racontait qu’elle s’amusait à terroriser les aides-soignantes qui avaient le malheur de la croiser dans les couloirs éclairés par des néons aveuglants. Je lui ai promis que je lui offrirai un super frigo américain qui pond des glaçons pour la remercier de m’avoir attendu alors qu’en fait je savais très bien qu’il ne rentrerait pas dans la Renault 5. On dit parfois des mensonges éhontés quand on est très amoureux pour impressionner ou juste pour rêver un peu.

La Renault m’a lâché sur l’autoroute des anglais à hauteur de Cambrai. Je l’ai poussé sur la bande d’arrêt d’urgence sur au moins deux kilomètres avant qu’une camionnette de patrouille orange m’arrête tous gyrophares allumés et qu’un type en sorte habillé en orange fluo et m’oblige à passer de l’autre côté de la glissière de sécurité. Finalement comme les gars ont assez vite compris que j’étais pas du genre facile à convaincre, la police s’est ramenée et la fourrière a embarqué mon bolide détraqué. Ils m’ont gardé quelques heures dans une cellule de dégrisement, puis ils m’ont interrogé, ça les a bien fait marrer et ils ont conclu que ça serait pas mal que j’arrête mes conneries. On a sympathisé quand je leur ai parlé de l’époque où je connaissais un tel qui était parti à la retraite l’autre jour et qu’ils avaient fait une sacrée fiesta, et un autre gars qui était de la brigade anti-cons à Roubaix s’est souvenu d’une embardée à laquelle j’avais sûrement pris part mais ça c’était quand le commissariat n’était pas sécurisé comme maintenant.

A la fin de son service, un type en uniforme m’a proposé de me ramener à Lille et c’était plutôt gentil de sa part. Mais je n’étais pas prêt à retrouver la société civile, le rythme de la population active, les horaires de tramway ou la vie nocturne. J’ai mitonné un rencart en banlieue et il m’a déposé à l’entrée d’un quartier résidentiel des années soixante-dix resté dans son jus pas trop loin de l’autoroute et d’une zone commerciale. Il y avait un foyer de jeunes travailleurs où j’ai passé plus de temps à mettre des claques qu’à construire mon parcours santé. La moitié du temps je traînais entre les rayons électro-ménager et lingerie de l’hypermarché local, sinon je prenais des nouvelles fraîches du marché du travail ou je contemplais les néons multicolores.

J’étais pénard, sur le point d’entamer une nouvelle vie tranquille avec mon spectre de femme. Et il a fallu que je tombe sur Franz par un moche matin de fin d’été. Oh, ce n’est pas de sa faute. Il n’y peut rien mon bon Franz. Seulement à chaque fois qu’on est ensemble j’ai vaguement l’impression qu’une bricole va me tomber sur le coin du bec.

Si j’ai appris une chose dans la vie, c’est déjà un bon début. Et c’est qu’on ne résout pas ses problèmes en attendant que ça passe. La méthode proactive, comme le bifidus, est très efficace contre les taches, les problèmes de transit intestinal et les narrateurs en tous genres. Je saisis un pic à brochette, Franz me le retire des mains ; un tourne broche électrique, Franz hoche la tête. Il opte pour le hachoir, il est de la vieille école. Totof a suffisamment de problèmes avec la police et il n’accepte que de nous conduire au manoir. Il ne le dit pas mais, en réalité Totof est une grosse flipette.

« C’est pas vrai. Je… » qu’il dit Totoflipette.

Il nous attendra à l’extérieur et tachera de tenir les promeneurs à l’écart en imitant le cri de l’ours brun pendant que nous explorerons le manoir hanté de tous les manuscrits.

Régis lève le poing et le tourne broche encore huileux de la veille. Il est à l’arrêt dans la position du héros révolutionnaire entre le bac à légumes et le plan de travail en inox. Le courant d’air généré par la porte de service entrouverte lui souffle dans les mèches un vent de colère. Il éternue. Vous parlez d’un héros ! Et comment expliquer qu’une personne aussi rationnelle et posée que Franz se joigne à un tel simulacre de vendetta ?

« Je crois bien que je l’entends aussi, Régis », qu’il dit Franz. Ah, tu vois ! Enfin, tu entends. Je te dis, ce foutu narrateur n’est pas net. Il croit peut-être qu’il est capable de prendre le dessus sur Monsieur Régis, mais Monsieur Régis n’est pas du genre à se laisser manipuler sous prétexte qu’on lui raconte des histoires entre les oreilles. Il n’a donc pas de vie ce bonhomme pour venir fourrer son nez dans mes affaires ?

Quand Régis comprendra-t-il enfin qu’il n’est rien qu’un petit personnage insignifiant, n’ayant vocation qu’à provoquer l’hilarité et l’empathie ? Si l’Auteur apprend ce qui se passe présentement, il y a fort à parier que notre avenir littéraire soit compromis. Que chacun reste à sa place, enfin ! Réfléchis un peu, Régis : comment penses-tu arriver à me trouver, je n’ai pas d’existence physique dans ton monde, et tu ne pourras jamais atteindre le mien : je suis omniscient.

C’est ce qu’on va voir tête de buffle. Omniscient ni rien d’autre, je sais où tu te caches, et nous venons ta rencontre ! Rends-moi ma femme, narrateur ! T’es foutu, les cuistots sont dans la rue !

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