Dracir 09122004

Sur son trône d’os et d’ébène
siégeait un prince maussade
pour qui la vie n’avait de sens
que dans son sacrifice.
En cela, il demandait à sa cour
de lui vouer un culte fanatique
où la lacheté et l’égoïsme
étaient les pires griefs
qu’on puisse poser
sur la tête d’un accusé.

En sa principauté
bon nombre de jeux et de spectacles
abreuvaient la population de sang et d’héroïsme
de telle sorte que tous étaient envenimés
par le désir de combattre et de servir le prince.

Au sein même de la cour
le prince avait fait amener un enfant
choisi au hasard parmi ceux qui dans la population
n’avaient pas encore atteint la décade.
Cet enfant était le fils d’un simple commerçant.
Ce dernier n’eut pas son mot à dire
quant à la décision du prince ;
il se plia donc à lui remettre le jeune Dracir.

Dès lors, le prince devenu père
ordonna qu’on laisse jouer l’enfant
jusqu’à ses seize ans dans la cour du palais
et uniquement en ce lieu
où de jour comme de nuit
les spectacles personnels du prince avaient lieu.

Ces spectacles privés
n’étaient autres que des combats à mort,
des scènes de torture ou de sacrifice
et l’éducation de Dracir en fut baignée de toutes parts.
Ainsi de la lueur d’un regard d’enfant sage
l’oeil de Dracir devint sombre, froid et sans expression
et tout son visage, tout son être
s’emplie d’une immense froideur
à tel point qu’il prit goût
à mesure que les années passaient
à animer lui-même les spectacles
et à les organiser en l’honneur de son père.

Parallèlement lui furent enseignés
par les plus grands érudits de la principauté,
diplomates, maîtres d’armes et chasseurs
les rudiments de l’art de la guerre et de l’étiquette.
D’année en année, Dracir prenait une place
de plus en plus importante au sein de la cour
mais le prince voyait en lui
un rival plus qu’un fils
et non fier de sa « création »
il se refusait à l’assassiner.

Perdu dans ses pensées des jours durant
le prince se terrait dans le silence
en observant d’un oeil distrait les derniers sacrifices
de la journée orchestrés par Dracir.

C’est au matin des Vingt ans du jeune homme
que le prince exigea de tout son peuple
un dernier acte de soumission à leur dirigeant.
Il ordonna que chaque habitant brûle sa maison
et que chaque membre de la cour sacage une partie du palais
Il demanda enfin à son propre fils Dracir,
de lignée royale mais de sang populaire
destiné à mener une principauté sans peuple et sans ville
de mettre fin aux jours de son père
en l’immolant dans sa chambre avec toutes ses richesses
les plus précieuses.

Le lendemain,
de la ville ne restaient que des cendres
et dans les ruines d’un palais anéanti
le jeune Dracir, stoïque
préparait son exil vers des terres lointaines
où disait-on, un clan de renégats et de démons
menait la seule vie qui lui semblait possible
faite de combats, de sang et d’héroïsme.

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