A vous, qui prétendez me connaître
que pouvez-vous jurer sur mon existence matérielle ?
N’avez-vous jamais fait qu’entendre mes mots
n’avez-vous seulement que ressenti ma présence
dans un coin de la pièce, un verre qui se vide
et une odeur âpre de sang et de fumée se dissipe ?
Vous m’avez salué d’une bise peut-être
mais n’était-ce que l’air de mes joues que vous avez embrassé
jamais mon souffle et ma salive vous n’avez goûté.
Vous avez serré mollement l’air que contenait vos doigts
sans vous rendre compte du vide qui y reignait.
Un coeur ? L’avez-vous senti tout contre vous ?
Des mots murmurés comme le vent sans doute
et même quelques phrases qui vous restent gravées en la mémoire
mais qui est ce fantôme dont vous êtes persuadés de connaître l’image ?
Ah, je vous entends dire que j’étais là pourtant
que mon silence et mon regard ne vous étaient pas indifférents
erreur cependant, puisque je suis mort.
Un fantôme, un spectre, une image statique et sans vie
un individu imaginé collectivement, je n’étais là que parceque vous le désiriez
en réalité, je n’ai jamais été que par vous, un ami d’occasion
à qui on soutire des idées, des avis, des informations
qu’on désirait entendre d’une autre bouche que la sienne.
J’étais vivant pour vous
et maintenant disparu
je retrouve une existence propre
dans la mort, et dans l’oubli
je deviens un souvenir, pire
j’acquiers mon autonomie loin de vous.
Et dans mon esprit réside cette interrogation
qui avez-vous donc été, vous, spectres et fantômes
dans l’infinie immatérialité de nos rapports ?
Pourriez-vous jurer qu’un coeur bat en mon sein ?
Pourriez-vous prétendre vous être épris de mon corps
autant que de mon âme ?
Je m’en vais donc, et pour vous, et pour moi
hanter d’autres morts-vivants
là où j’aurai à coeur de faire rougir
des peaux blêmes moins réticentes à l’existence souveraine.
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